RÉVISION MENSUELLE DU TAUX D'USURE
C'est une bataille que mènent les courtiers en crédit immobilier depuis près d'un an: la possibilité de relever plus souvent le taux d'usure, ce taux d'emprunt plafond destiné à protéger l'acquéreur de conditions de crédit abusives, est à portée de main. C'est ce qui ressort d'une réunion rassemblant le ministère de l'Economie et des Finances, la Banque de France, banquiers et courtiers, tenue mercredi à Paris.
Qu'est-ce que le taux d'usure?
Destiné à protéger les particuliers de conditions d'emprunt abusives, le taux d'usure plafonne l'ensemble des frais d'un prêt immobilier: taux de crédit pratiqué par la banque, éventuelle commission des courtiers et assurance-emprunteur. Autrement dit, il s'agit du taux maximal, tous frais confondus, auquel une banque a le droit de prêter de l'argent.
Le taux d'usure est fixé depuis le 1er janvier dernier à 3,57% tous frais compris pour un emprunt de 20 ans et plus. Le taux moyen des crédits accordés (hors assurances et frais annexes), s'en approche: il est mesuré à 2,04% en décembre par la Banque de France (mais avec des données décalées de plusieurs mois par rapport au marché) et à 2,25% en novembre par l'Observatoire CSA/Crédit logement, après une hausse très rapide ces derniers mois.
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Qu'est ce qui va changer?
La réunion entre les différents acteurs portait "sur la potentielle réhausse mensuelle du taux d'usure", indique jeudi à l'AFP Bérangère Dubus, secrétaire générale de l'Union des intermédiaires de crédit (UIC). Le calcul du taux est réalisé pour l'instant chaque trimestre par la Banque de France, qui prend en compte les taux moyens pratiqués par les banques au cours des trois derniers mois augmentés d'un tiers.
"Au lieu de faire cette hausse une fois en fin de trimestre avec une grosse marche... On ferait trois plus petites marches, mois par mois en regardant les trois mois précédents à chaque fois", résumait mercredi le gouverneur François Villeroy de Galhau devant la commission des finances du Sénat.
Quel est l'intérêt?
Cet ajustement "permet déjà de répondre à la problématique de rapidité d'adaptation" des taux auxquels empruntent les banques sur les marchés, tirés par la hausse des taux directeurs de la Banque centrale européenne, précise Bérangère Dubus.
Pour Julie Bachet, directrice générale de Vousfinancer: "Cette actualisation mensuelle est une très bonne nouvelle qui va permettre de débloquer l’octroi de crédit et d’avoir une plus large fenêtre de tir pour obtenir des accords de prêt que celle de quelques semaines, en début de période, que nous avions lors de la révision trimestrielle".
Brice Cardi, président du réseau l’Adresse, explique: "Sur le dernier trimestre 2022, près de la moitié de nos agences ont dû faire face à des refus de prêt entraînant la rupture de la vente en cours. Cela concerne dans beaucoup d’agences une transaction sur 10… Certaines agences notent d’ailleurs que le phénomène semble s’amplifier en ce début d’année avec jusqu’à parfois 30% de ventes qui n’aboutissent pas en raison de refus de prêt. La révision mensuelle du taux d’usure devrait contribuer à faciliter l’octroi de crédits et donc à fluidifier le marché".
Quand cela entrerait-il en vigueur?
"Nous attendons une confirmation officielle de la Banque de France, le calendrier et les détails sur la méthode d’actualisation", précise Vousfinancer. Il semblerait que l'entrée en vigueur soit prévue pour mars.
Ce serait "une mesure exceptionnelle qui pourrait durer un ou deux trimestres", complète un autre participant à la réunion, joint jeudi par l'AFP et qui a tenu à rester anonyme.
"Rien n'a été décidé à ce stade. Nous avons besoin de savoir si les banques peuvent s'adapter", confie-t-on à BFM Immo du côté de la Banque de France. La banque centrale française "applique une formule de calcul", "ce n'est pas la Banque de France qui change la loi mais les parlementaires", précise par ailleurs l'institution monétaire.
Quels sont les risques pour l'emprunteur?
Julie Bachet, de Vousfinancier, explique qu'une révision mensuelle du taux d'usure "risque de contribuer à l’accélération de la remontée des taux de crédit qui pourraient atteindre 4% sur 20 ans dès cet été. Mais mieux vaut tout de même emprunter à 4%, surtout avec une inflation à 6%, que de ne pas pouvoir obtenir un crédit et renoncer à son projet immobilier, comme c’était le cas depuis l’été 2022 pour des emprunteurs avec pourtant de l’apport et un endettement limité".